Ce n’est pas une hirondelle qui migre vers d’autres cieux… La contemplation de la pureté de ces courbes dessinées d’un gaz propulseur m’inspire une réflexion sur la teneur de cette trajectoire et ces quelques lignes qui suivent.

Le passage mental d’un monstre tueur, vulgaire, à celui d’une courbe naissante, presque vivante, qui laisse derrière son envol une équation du deuxième degré presque parfaite, me laisse perplexe. Symbolisé par une tête illuminée, le crayon trace sa courbe avec une régularité continue d’une noirceur qui pâlit, pour devenir transparente avec le temps, ajoutant ainsi cette fameuse variable à celle de sa trajectoire, non pour sa vélocité, mais pour sa visibilité. Pensez-donc, le temps usé pour deux choses à la fois ! Cette ligne aura disparu qu’elle aura effacé l’autre de la terre : une situation qui ne pourrait consoler les victimes d’une belle mort, fussent-elles mathématiciennes…

Mais une gêne subitement me hante. Comment puis-je contempler cette traînée mortelle ? Suis-je donc esclave de mes yeux au point que mon entendement oublierait l’absolu terminus de cet engin ?

L’on dit d’une image qu’elle peut avoir deux sens, lieu commun de toute analyse picturale de critiques esseulées. J’y vois une séquence mentale oscillant entre le beau et le laid, nous conditionnant au clignotement oculaire, que dis-je, occipital, scène théâtrale de notre vue sur le monde réel et virtuel. Mais cette image ferait presque oublier le bruit assourdissant de l’engin destructeur, me rappelant un marketing muet d’objets presque inutiles dont on a subrepticement coupé toute audition désagréable. Il ne s’agit pourtant pas de l’acheter, mais de le comprendre, de saisir son trait à sa juste valeur. Il aurait pu finir par un feu d’artifice dont l’explosion aurait irradié la nuit d’une journée festive, bref instant d’une insouciance retrouvée, finissant par une détonation assourdissante, acmé de nos sens faisant vibrer corps et âmes à la recherche d’un temps perdu.

Aux antipodes, la réalité nous rattrape, réduisant nos corps en bouillie, cuisinant à l’ancienne nos viscères, en nous rappelant la cherté de la viande et renvoyant aux calendes grecques la tendre envolée des oiseaux migrateurs.

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Auteur: Jean-Marc Pauli