Vaquant sur le littoral, je contemple muet,
Les cieux et les mers, ringards et désuets,
Une âme s’approche, m’interpelle du rivage,
Je reste sans voix, ne comprenant son langage.

Elle fronce des sourcils, je suis sur la sellette,
Puis d’autres s'agitent, chantant à tue-tête,
Toutes dans leurs sabirs, soulevant leur jupette,
Sincères et authentiques, cela semble une fête.

N’étant point polyglotte, ou d’essence divine,
Je m’incline poliment, prétextant une latrine,
Provoquant chez toutes, étonnement et scandale,
Ne pouvant me plier, à leur langues estales.

Je suis houspillé, par cette horde hystérique,
Par mon refus obtus, rugueux et maléfique,
De ne vouloir ainsi, m’offrir à leurs mondes,
Contant leurs récits, tant de lettres fécondes.
Fuyant ce vacarme, je croise sur mon chemin,
Un fidèle sincère, s’approchant, fort serein,
Qui me demande curieux, mon obédience divine,
Et de répondre d’une foi, lui grisant la mine.

Puis avec stupeur, flanqué d’autres fidèles,
Tous en s’agglutinant, me ceignent sur une selle,
M’accusent promptement, de servir une autre foi,
Bien qu’entre eux, ils ne servent le même roi.

Alors incrédule, je leur dis comme une brêle,
Que je ne pourrais servir, leurs dieux et fidèles,
Eux-mêmes tous différents, si étranges à ma foi,
Ces habitants fantômes, de maisons sans toits.

Alors excédés, ces croyants de toutes fois,
M’accusent de vilénie, d’être ce hors-la-loi,
Ne pouvant sublimer, toute âmes et toute chairs,
Je me trouve isolé, interdit de leur plaire.

Derrière leur prétention, d’unicité divine,
Se cachent esseulés, des dieux qui s’échinent,
Séparant de fossés, leurs valeurs qui refluent,
Monothéistes proclamés, perché sur un fût.

Ce monde polythéiste, dans lequel nous vivons,
Ces restes de roitelets, sirènes que nous oyons,
Nous font croire idiots, que nous sommes en tout lieu,
Sur une terre sacrée, guidé par un seul dieu.
Comme leurs croyances, nous abreuvent de dieux,
Qui se repoussent des sens, des valeurs et des cieux,
Je continue ma route, en feignant d’oublier,
Chantant sous la voûte, sans me questionner.

Je suis accosté, par un individu,
Et lui tiens la réplique, le nommant ingénu,
Par la civilité, « Madame », ou bien « Monsieur »,
La regardant souriant, au centre de ses yeux.

Je décèle irritation, une teinte de crispation,
D’une nouvelle morale, celle de l’indignation,
Car je devrais la nommer, selon sa volonté,
Et non selon par celle, de mes yeux emboués.

Mon seul regard, jette un opprobre fantasmé,
Sur ce pauvre oisillon, soudainement déplumé,
Qui change d’habits, à chaque saut d’humeur,
Tapant des pieds, exigeant honneurs et pleurs.

Mais alors incrédule, comment puis-je savoir,
La suggestion d’autrui, dans son être et vouloir,
Son âme cachée de plomb, ne se laissant voir,
Par ce mur intime, crainte de nous décevoir.

Je me fie à mes yeux, liens vers la réalité,
Nous servant d’attelage, dans notre société,
Qui voient sans ombrage, pour nous identifier,
Un homme, un mage, une femme ou un fermier.
Reprenant mes esprits, je trace mon sillon,
En vaquant à mes rêves, je croise un aiglon,
Fier et vindicatif, criant à qui l’entend,
Que tout vivant sur Terre, se vaut absolument.

Il m’ausculte fièrement, condescend à me voir,
Me soumet prestement, à son interrogatoire,
Ne perdant point raison, je lui demande rançon,
Si, lors de sa mort, une mouche mérite l’onction.

Monsieur sort de ses gonds, ou trahi par ma vue,
Serait-ce Cunégonde, qui hurle de sa mue,
Repoussant toute question, m’accusant du mal,
Celui des ténèbres, d’être une bête immorale.

Chez notre « iel » bigote, axe de moralité,
Ses yeux se convulsent, de son corps hérissé,
Vocifère en crachant, sa doctrine absolue,
Celle de l’égalité, du plus grand au menu.

A vouloir tout confondre, du ciel et des mers,
Nous perdons notre goût, des mets séculaires,
Tout comme le fruit mûr, flottant sur la rivière,
Vidant son sucre gouteux, attristant l’ouvrière.

Pour qu’enfin il arrive, dans ce lac des fadaises,
Dont le lit repose, au fond d’une falaise,
Eaux stagnantes, moroses, sueurs d’une niaise,
Pour pleurer ses larmes, mièvreries du malaise.
Je suis donc le bouc, un anti commissaire,
Qui aux grés des vagues, corrompt des viscères,
Car je ne satisfais, ni pensée ni croyance,
Où l’on exige de moi, infinie omniscience.

Pouvoir de soumission, d’un dieu sans raison,
Qui donnerait du sucre, dès la nouvelle saison,
Alors qu’ils idolâtrent, leurs dieux médisants,
A qui ils reconnaissent, attributs envoutants.

Contradiction bon teint, ils exigent de moi,
Par mes refus terriens, traçant ma propre voix,
Mêmes qualités des dieux, cultivant leurs fois,
Mais sans les avantages, les gardant pour soi.

Accusé d’être « anti », irrémédiable sénile,
Réactionnaire fasciste, je refuse cet asile,
Une nouvelle étiquette, aux coteries stériles,
Nous faisant risette, et nous rendant servile.

Je retourne chez nous, pour m’en échapper,
Y trouvant la bouée, celle de l’altérité,
Une réelle différence, donnant à l’humour,
Droit de rire et pleurer, sans aucun détour.
Etant vu difforme, bossu, suant la moque,
Je suis ostracisé, comme à cette sombre époque,
Où curés moralistes, dénonçaient soliloques,
Comportements déviants, et impies baroques.

Ces curés-là se sont, aujourd’hui travestis,
Troquant robes et tuniques, contre nouveaux habits,
Continuant de chasser, de sauvages perdrix,
Désirs exacerbés, cela n’a pas de prix...

Ils se procurent ainsi, le suc du pouvoir,
Ô pies arrogantes, ogresses d’un défouloir,
Qui perchées au balcon, lorgnent en épiant,
Chaque son et mouvement, comme c’est excitant !

Critiques d’art et poncifs, dont l’intermédiation,
Ne connait ni l’orage, gel ou désolation,
Car c’est sur autrui, que l’incertain est jeté,
Encaissant au passage, dividendes et fierté.

Si les us ont changé, au bal de l’éternel,
Il leur reste ancré, l'offrande sacrificielle,
Celui du bouc émissaire, ayant comme vertu,
D’unir les ennemis, ceux qui doivent être vus.

Le métier est si rude, qu’il faut un sonotone,
Pour déceler le dièse, de cet hymne monotone,
Tout notre outillage, pour ausculter les reins,
Est investi fidèle, dans cet effort malin.

A la recherche vaine, de la moindre fausse note,
Jusqu’à l’épuisement, des faibles et des dévotes,
Des réserves de blé, de l’eau et du fourrage,
Ne restant pour cette Cène, que nos os et cartilages.

Mais quel aboutissement, du retour aux souches !
A la terre nourricière, qui des âges farouches,
Nous vomit ses viscères, en espérant ainsi,
Donner naissance sincère, à de pieux armaillis.

Ces couleurs qui abondent, ce partage votif,
Dérivant nos cœurs, chavirant contre récifs,
Qui témoignent larmoyant, de notre duplicité,
De ce layon si poussif, et de notre bien penser.

Auteur: Jean-Marc Pauli